Viola : la violette de Mars ou de Carême

Sous le nom de viola, les naturalistes anciens distinguent plusieurs plantes qui diffèrent entre elles par la hauteur des tiges, la couleur de la fleur, l’existence ou pas de l’odeur, la forme des feuilles.

Leurs sources anciennes sont d’abord Pline, Dioscoride et Théophraste, auxquels s’ajoutent d’autres médecins de l’Antiquité (Galien), quelques médiévaux (Pseudo Macer). Comme pour la plus grande partie du corpus végétal, la synonymie fait l’objet d’un récapitulation chez Gaspard Bauhin qui organise la catégorie viola selon le schéma suivant (en limitant à la violette de Mars “à feuilles rondes”). La classification des plantes regroupées dans le chapitre viola repose sur les critères de discrimination suivants, présentés selon un ordre de priorité descendant : forme des feuilles (rondes vs oblongues), puis viennent trois critères de niveau 2 : la couleur de la fleur, son caractère simple ou multiple et l’odeur.

Représentation de la première catégorie de viola selon le Pinax de Gaspard Bauhin (1623). L’illustration vient de l’herbier allemand de Jérôme Bock.

La deuxième sous-catégorie de Bauhin rassemble des violettes à feuille allongée. Selon la même grille de lecture, cette seconde catégorie de violettes comporte à la fois des violettes avec ou sans odeur, dont la couleur varie du blanc au rouge, en passant par le jaune. La taille de la plante varie aussi beaucoup, depuis une violette qualifiée de naine (pumila), jusqu’à celle qui est présentée comme arborescente. Nombre de violettes à feuilles longues sont aussi qualifiées de montagnardes.

L’odeur de la violette n’est donc pas le critère principal pour repérer les espèces. Du reste, la première sous-catégorie de la classe Viola martia rotundifolia s’intitule Viola Martia purpurea simplici odoro, ce qui démontre l’importance de son caractère odoriférant. Plusieurs mentions de la violette de Mars par les botanistes apparaissent dans cette catégorie. Ainsi, la senteur de cette fleur évidente pour Dodoens, qui place la violette de Mars, ou viola nigra au premier chapitre du livre 2 de son ouvrage Histoire des plantes, consacré aux herbes odoriférantes. Par ailleurs, la description de cette plante s’appuie sur un petit nombre de textes antiques ou médiévaux, ces derniers découlant directement des premiers. Les botanistes compare la violette au fraisier, avec des feuiles rondes, de couleur noirâtre qui rappellent celles du lierre, hormis qu’elles sont plus tendres et plus petites. Sur chacune des tiges apparaît une belle fleur odorante, composée de cinq pétales. L’utilisation cosmétique n’est pas mentionnée. Cela tient sans doute à la pluralité des utilisations médicales connues depuis l’Antiquité: la violette a une influence sur le ventre, soigne les enfants épileptiques, et, en se fondant sur le Macer Floridus, soigne la bile rouge. Seulement, la senteur de la fleur en fait un remède particulièrement apprécié, notamment chez Macer Floridus, lorsqu’elle est portée en couronne ou prise en potion. Pline évoquait déjà de telles couronnes, ou encore, la possibilité d’humer la fleur afin de dissiper les lourdeurs de la tête et chasser l’ivresse. Depuis l’Antiquité, et encore à la Renaissance, le parfum des fleurs permet ainsi de se soigner.