Le naturaliste italien Pietro Andrea Mattioli fait partie des controversistes les plus actifs durant le XVIe siècle. Né vers 1500, mort en 1577, il a fait carrière en Italie puis auprès de l’archiduc Maximilien. Sa carrière professionnelle, outre l’Italie dont il est originaire, le conduit aussi à Prague.
Ses commentaires sur Dioscoride, publiés pour la première fois en italien en 1544, sont à coup sûr une oeuvre majeure de la science de la Renaissance. Tous les médecins de la seconde moitié du siècle, et jusqu’à Linné, utilisent ses travaux. Linné, qui n’est pas toujours tendre avec ses prédécesseurs, le classent dans deux catégories, celle des auteurs qualifiés d’usitatissimi et celle des Eristici, autant dire des controversistes. Dans ce dernier groupe, il côtoie Fuchs, Janus Cornarius, Melchior Wieland, John Ray, Chomel, Rivinus et d’autres. Dans la taxonomie des sources qu’est la Bibliotheca botanica, entre la catégorie des philosophes et celle des physiologues, les controversistes participent à la fabrication du discours botanique général. Du reste, Linné considère que la plus grande partie des naturalistes de la Renaissance donne des informations fiables sur les plantes et rassemble dans le chapitre des usitatissimi Dodoens et Lobel, Camerarius et Montalbano.
Mattioli explicite son projet dans les préfaces qu’il adresse aux lecteurs au fil des éditions et des traductions de ses commentaires. Dans l’édition française de 1572, traduite par Antoine du Pinet, le naturaliste donne de nombreuses indications sur les conditions de la publication des Commentaires et sur l’utilisation faite par d’autres savants des propos et des images rassemblés par Mattioli. De ce long texte, essentiel pour bien comprendre le statut de la controverse chez le naturaliste siennois, on retiendra le schéma suivant : la science pharmaceutique, et plus particulièrement la matière médicale, reste l’une des sciences les moins biens restaurées par les savants du XVIe siècle. Il résulte de ce déficit que les apothicaires commettent de nombreuses erreurs, faute de suffisamment connaître les plantes. A côté des grands savants de son temps (Barbaro, Leoniceno, Ruel, Marcello Virgilio, Fuchs, Jacques Dubois, Brasavola ou Luigi Mundella), Mattioli souligne la paresse et la négligence de nombreux patriciens. Il ajoute aussi que ses propres travaux, publiés avec soin, font encore l’objet d’une réception quelquefois fautive et même indélicate. La préface devient alors le lieu de la dénonciation des pratiques contestables de certains de ses contemporains.
Le premier cité est Andrès Laguna auquel Mattioli reproche d’abord d’avoir utilisé son travail de façon indélicate, en publiant en espagnol et sous son nom, les informations trouvées dans les Commentaires de Mattioli. Plus grave peut-être, Laguna aurait utilisé dans sa publication des planches qui n’ont rien à voir avec les plantes décrites. La controverse avec Laguna fait l’objet de plusieurs épisodes dont on trouvera le détail ici. Le deuxième nom cité dans la préface est celui de Janus Cornarius. A ce médecin allemand, Mattioli reproche aussi des erreurs dans l’utilisation des images de plantes qu’il publie.
Mattioli aura de nombreuses autres occasions d’entrer en conflit personnel ou scientifique avec d’autres savants de son temps. Dans la préface, la mention de ces conflits a pour objectif de justifier l’un des traits constants des Commentaires: Mattioli ajoute systématiquement, dans la notice qu’il rédige pour chacune des plantes décrites par Dioscoride, les mentions relatives aux travaux de ses contemporains, surtout pour dénoncer les erreurs de traduction, d’établissement du texte, de détermination ou d’utilisation en médecine.